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  • Photo du rédacteurDamien LAUNAY

Le fameux costume du Griffon

Dernière mise à jour : 22 nov. 2020

Pour le costume porté par le Griffon, personnage ô combien énigmatique, je me suis largement inspiré de celui du médecin de la peste.


À qui doit-on ce costume ?


Au Moyen Âge, la peste sévissait dans toute l’Europe (dont la fameuse peste noire au milieu du XIVe siècle). On estime à environ 35 % la population qui fut touchée et foudroyée par la maladie, soit plus de 25 millions d'Européens. Dans ce contexte chaotique émergent ces médecins de la peste, « spécialistes » de la peste bubonique (il existe deux formes de peste : bubonique et pulmonaire). Ils sont fonctionnaires, engagés par les villages ou les villes pour soigner les victimes de ce terrible fléau. Vraisemblablement des médecins de second ordre ou qui débutent leur carrière, espérant se faire un nom dans le monde de la médecine.

D’autres tâches leur sont attribuées : la comptabilisation des victimes dans le registre public ainsi que le recueil des dernières volontés de leurs patients, engendrant quelques dérives parfois comme on s’en doute…

Dans les premiers temps, le costume du médecin de la peste était très sommaire et ne protégeait que le visage. Il se résumait à un simple masque en forme d’oiseau (d’où le nom « médecins becs »). Une protection un peu sommaire contre une maladie aussi virulente qui va amener Charles Delorme (1), le médecin en chef de trois rois français (Henri IV, Louis XIII et Louis XIV), à proposer un costume plus complet en 1619.

Plusieurs éléments composent cet uniforme qui couvre les médecins de la tête aux pieds.


· Le chapeau en cuir, plutôt symbolique, censé indiquer que son porteur est médecin.

· Un masque en forme d’oiseau pourvu d’un long bec recourbé : il ne dispose que deux trous pour permettre à son porteur de respirer (à l’instar d’un nez classique) et contient aussi des herbes aromatiques diverses (thym, camphre, mélisse, clou de girofle, myrrhe, pétales de rose) qui ont pour but de le protéger de l’odeur putride ainsi que de la maladie.

· Les yeux sont protégés par des lunettes rondes, anciennement appelées bésicles. Elles se positionnent sur le masque.

· Un long pardessus recouvre une large partie du corps et se replie derrière le masque. L’ensemble du vêtement est recouvert de suif (2) vraisemblablement pour empêcher les fluides corporels de coller au manteau. Afin de protéger le bas du corps contre les infections, la panoplie se complète par une paire de culottes en cuir qui se glisse sous le pardessus.

· Enfin, le médecin dispose d’une canne en bois qui lui permet d’examiner le patient sans le toucher. On peut imaginer qu’elle constituait un moyen de défense contre d’éventuels patients agressifs (ou la famille ?).


Finalement, cet uniforme qui apparaît surtout dans une période postérieure au Moyen Âge (Marseille, Rome, Naples) se révélera bien insuffisant pour repousser la maladie.


Notes :

1. Certaines références mentionnent le nom « de Lorme » ou « de l’Orme ». Je vous invite à lire la bibliographie de Charles Delorme qui me semble plutôt croustillante.

Notamment le nom de certaines de ses thèses :

Convient-il d’employer les mêmes remèdes avec les amants qu’avec les déments ?

Une fièvre pestilente peut-elle être intermittente ?

La guimauve est-elle un être vivant, et a-t-elle les propriétés que lui accordent Dioscoride et Galien ?La Danse après le repas est-elle salutaire ?

2. Suif : graisse animale.


Sources :

François de Lannoy, Pestes et Épidémies au Moyen Âge, Ouest-France, 2018.



Médecin de la peste, post Moyen âge
Docteur Schnabel de Rome, pendant la peste noire (gravure de Paul Fürst 1656)

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